les maux qui tuent...
Tous croient que la terre, le sang et les morts fondent une nation et que ceux pour qui la nation devrait être une volonté consentie et contractuelle, sont dénoncés comme des traîtres. Tous ces nationalistes ont en partage la haine de l'autre, celui que l'on suppose prêt à enjamber la frontière ou déjà à l'intérieur, hier le juif, aujourd'hui le musulman. Tous les programmes économiques sont étrangement communs et incohérents : le retour au nationalisme économique qui, privant les peuples de l'échange, nous ramènerait au Moyen-Age.
Devrait-on se rassurer en raison même de ces incohérences et parce que, de fait, les peuples sont métis et l'économie mondiale ? On s'inquiètera plutôt des ravages que ce discours nationaliste inflige à la raison commune ; on sait que les Duce, s'ils parviennent au pouvoir, ne deviennent pas raisonnables, qu'ils appliquent leur programme fut-il ravageur et qu'échouant, ils en accusent l'Autre.
Demandons-nous pour quelles raisons le vampire nationaliste resurgit au moment où on l'estimait tué par l'Europe, par la mondialisation économique, par l'esprit de tolérance, par le métissage des ethnies et des idées.
Quitte à surprendre, en premier j'invoquerai le recul de la religion chrétienne. Celle-ci imposait des rituels de vie collective, des mœurs charitables et occupait l'Esprit. Le nationalisme me paraît une religion de substitution : il recrée une autre communauté, pas celle des croyants, mais plus archaïque, la tribu. Les leaders nationalistes sont des chefs de tribus, mythiques bien entendu. D'autres, plus économistes, estimeront que le nationalisme est partout déterminé par le marasme économique : la crainte fondée ou supposée de l'appauvrissement, la perte d'un emploi ou l'impossibilité d'en trouver, conduiraient à chercher un sauveur aux idées plus simples que les théoriciens de l'économie de marché et à désigner quelque bouc émissaire comme source de nos douleurs. Que répondre aux nationalistes ? La pire posture est celle du front du refus : ils ne passeront pas ! Ce qui dans certains pays est trop tard et qui dans l'autre - la France, les Etats-Unis, la Catalogne, les Pays-Bas - renforce la stature du leader tribal.
Mieux vaudrait engager une réflexion autocritique sur les faiblesses du discours non populiste, de droite comme de gauche. La médiocrité du discours européen est une des raisons essentielles de la résurrection du tribalisme national. Le crétinisme économique de la classe politique dirigeante en France, à droite comme à gauche, est en France une cause majeure du déclin national. L'élitisme des dirigeants Démocrates et Républicains aux Etats-Unis a ouvert la voie au discours idiot, mais à la portée de tous, de Donald Trump. Au total, le nationalisme renaît de ses cendres parce qu'il est immortel (génétique peut-être), mais il ne prospère qu'en raison de la médiocrité de ses adversaires. Condamner avec mépris le nationalisme n'est d'aucun effet ; seule une sérieuse autocritique renverrait le vampire à son sommeil.