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fourtoulitterofilosoficopoeticomic
29 juillet 2015

l'populisme...

Les démocraties occidentales sont toutes actuellement parcourues par des émotions que l'on peut qualifier de "populistes" : partout, des leaders et partis prétendent dépasser les anciens clivages droite, gauche, ou socialisme, libéralisme pour "rassembler" le peuple, la nation, la tribu. Ce populisme contemporain ressemble à une forme molle et peu belliqueuse du fascisme des années 1930, en moins périlleuse donc mais d'une essence voisine. Mais exactement comme le fascisme d'hier, ce populisme contemporain - Syriza en Grèce, Podemos en Espagne, le Parti nationaliste écossais, le Front national en France, l'Union démocratique du Centre de Christophe Blocher en Suisse, le Tea Party aux Etats-Unis… - déblatère sur deux fronts : la race et l'économie. Sur l'un et l'autre thème, le verbiage se substitue à la réalité.

Considérons la race ou la nation : qu'il s'agisse des Catalans, des Français de souche, des Ecossais, des Basques, des Anglais, le discours populiste est d'autant plus hargneux qu'il se fonde sur de l'inexistant. Il n'existe pas de race française, ni catalane, ni écossaise : c'est indéniable. Existerait-t-il une nation catalane, française ou écossaise ? Oui, peut-être, mais à condition d'en reconnaître le caractère métis autant que l'histoire indissociable de celle de ses voisins. Ainsi n'y a-t-il pas plus d'histoire espagnole sans Catalans ni Basques que d'histoire basque ou catalane sans Espagne ; les Ecossais sont britanniques ainsi que l'inverse ; les Français, depuis mille ans, sont constitués d'une incessante sédimentation d'apports extérieurs ; la Grèce moderne est une filiale de l'Empire ottoman, elle ne descend pas d'Aristote. N'est-il pas paradoxal que le populisme ethnique se manifeste en un temps, le nôtre, où les frontières sont devenues indistinctes et les migrations généralisées ? A moins que le populisme ne soit une réaction épidermique à ce monde trop ouvert et pour certains, la nostalgie d'un autre monde disparu, quoique mythique. Une nostalgie quelque peu agressive, plus que romantique, car la haine de l'autre, le voisin de préférence, est partout le ciment du populisme. On hait le plus celui ou celle qui vous ressemble, par suite de ce que Sigmund Freud nomma "le narcissisme de la petite différence". Ce narcissisme peut faire des dégâts, il en provoqua beaucoup par le passé, mais il s'épuise vite tant il est irréel : en France, par exemple, une femme musulmane sur deux épouse un non musulman, dont les enfants seront vraisemblablement français et laïcs. A ce rythme, sous l'effet de la mondialisation et du métissage, les populistes vont rapidement manquer d'ennemis : l'échec électoral des indépendantistes écossais me paraît significatif de ce reflux du populisme ethnique. Il est probable qu'un référendum en Catalogne signerait aussi l'échec des indépendantistes. Et le populisme économique n'a, je crois, guère plus d'avenir.

Le discours économique populiste, car ce n'est essentiellement qu'un discours, est le même à droite (Front national en France) qu'à gauche (Syriza, Nationalistes écossais, Podemos) : avant tout, un refus de l'économie de marché et une négation du réel. Les leaders populistes sont tous favorables au repli nationaliste, alors même que l'échange est le fondement historique de toute prospérité. Tous ces leaders dénoncent des inégalités réelles ou fictives, pour proposer de redistribuer avant même de produire. Tous ignorent la fonction décisive de l'entrepreneur, laissant croire que la croissance est un mouvement perpétuel ou que l'Etat en soi pourrait générer des bénéfices : ce que, par-delà toute théorie, l'histoire du vingtième siècle a démontré faux. Les populistes ignorent tous que le principal apport de l'économie dite capitaliste est la création non pas d'une oligarchie, mais d'une classe moyenne et l'élimination quasi totale de la misère ; ce capitalisme tant haïssable génère même un surplus qui permet de financer des services collectifs de santé et d'éducation, et garantit aux plus pauvres un minimum vital. A la place de ce capitalisme, évidemment imparfait, les populistes ne proposent rien de vrai comme en témoigne la capitulation du gouvernement grec, pas devant l'Allemagne, mais devant la réalité. La réalité, voilà l'ennemi du populisme !

Le populisme est agaçant mais sans avenir, ceux qui s'en réclament peuvent gagner des élections, mais ils ne sauraient exercer durablement le pouvoir. Les populistes peuvent détruire, mais ils ne sauraient rien édifier de durable ni de vrai. Si nous élargissons un instant notre champ d'investigation, on observera que, parfois, des leaders populistes ont de la chance, mais que celle-ci ne dure pas : le gouvernement populiste d'Argentine (Cristina Kirchner), du Venezuela (Hugo Chavez), de Russie (Vladimir Poutine) ont fait croire, pendant quelques années, qu'il était possible de distribuer sans produire grâce à l'envol momentané sur le marché mondial du cours du soja, du pétrole et du gaz. Une fois, les cours retombés à leur seuil naturel, ces économies populistes se sont effondrées : il ne reste plus à ces matamores péronistes, chavistes et poutiniens, pour se perpétuer au pouvoir, que la haine de l'autre. Au total, pour en revenir à l'Europe, le populisme me paraît avoir atteint son apogée : il ne peut plus que reculer, il ne changera pas nos sociétés. Il pourra persister comme un urticaire, agaçant, mais superficiel.

 

( Guy Sorman )

http://www.hebdo.ch/les-blogs/sorman-guy-le-futur-cest-tout-de-suite/populisme-la-fin-dune-illusion

 

 

 

 

 

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Commentaires
T
Oui, en effet, Nicooole, un excellent article de notre actuel Président de la République dont je retiendrai essentiellement l'affirmation que l'on peut être " Libéral de Gauche " reconnaitre le rôle de la Fonction Publique et l'apport des mouvements ouvriers... que tout cela est compatibe... mais aussi qu'il fait allusion à l'ancêtre de Freddo : Frédéric Bastiat
N
J'ai eu la curiosité en parallèle à la lecture de Guy Sorman sur le populisme d'aller découvrir cet article et......une belle plume<br /> <br /> Quand Hollande se payait Guy Sorman <br /> <br /> <br /> <br /> http://m.rue89.nouvelobs.com/node/234268<br /> <br /> <br /> <br /> Nicooole
L
bon, comme on s'est vu c't'aprèm, tu sais pourquoi je n'ai pas mis de comm !!!... :o
S
Très bien, merci... c'est un super article et plutôt optimiste !
T
Notre ami " Science Infuse " visiteur et commentateur fidèle de mon blog m'a adressé par email ce bel article de Guy Sorman sur le Populisme. Je le publie aujourd'hui bien volontiers tant le populisme ambiant me semble gangréner gravement notre beau pays. Ce en quoi, je ne partage pas l’optimisme de l’auteur de cet article qui pense qu’il pourrait n’être qu’un “ urticaire, agaçant, mais superficiel “... Non, pour moi ce populisme actuel est une maladie contagieuse et mortelle.. <br /> <br /> Luttons tous les jours, les heures, les minutes, les secondes contre le populisme !<br /> <br /> l’père Cantoche
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