le Francis-Depau
Il arrive qu'un navire fait côte pour entrer dans un port difficile. On voit s'avancer, par exemple, un steamer courant sous ses huniers au bas-ris, de façon à ranger à l'honneur le bout d'une jetée. Mais au moment où il gouverne pour donner dans le creux du chenal, une lame monstrueuse, poussée, soulevée par un grain furieux, enlève sur la crête écumante qu'elle agite dans l'air, le pauvre navire qu'elle couche au grand sur l'un de ses flancs. C'est ainsi qu'on vit un jour au Havre le Francis-Depau, grand paquebot américain jeté, en quelques secondes, à une demi-encâblure de la jetée du sud-est, sur le terrible poulier qu'il voulait éviter comme l'écueil le plus fatal qu'il eût à redouter. Plus de manœuvre à tenter pour lui désormais ; plus de secours même à espérer pour son équipage, de ce rivage dont il n'est séparé que par deux longueurs de navire. Il resta couché sur le côté de tribord en livrant, comme abattu en carène, son large flanc de bâbord à toutes les lames. Elles vinrent déferler sur lui, en faisant voler leur poudrin et leur écume jusque par-dessus ses mâts, qui menaçaient à chaque instant de tomber et d'être emportés par la mer et par le vent furieux qui les ébranlait jusque dans leur emplanture.