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fourtoulitterofilosoficopoeticomic
11 novembre 2015

à mon grand père Théo...

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On le sait, la première victime des guerres est la vérité. Et jamais, peut-être la propagande ne fut plus éhontée qu'en 14 et dans les années qui suivirent. Il fallait évidemment soutenir le moral des combattants, rassurer les populations en les bombardant de flamboyants communiqués de victoires, encenser le Moloch qui dévorait les enfants des villes et des moindres villages, et entretenir, grâce à la censure, une désinformation officielle protégée par une litanie d'interdits :
-- Interdiction de publier des renseignements de nature à nuire à nos relations avec les pays alliés , les neutres ou relatifs aux négociations politiques.
-- Interdiction d'attaquer les officiers, de parler des formations nouvelles, de reproduire les articles parus dans les journaux étrangers.
-- Interdiction de publier des articles concernant des expériences ou la mise en service d'engins nouveaux, des cartes postales ou des illustrations reproduisant des canons ou des engins de guerre nouveaux ou du matériel ancien modèle, dans un paysage pouvant faire découvrir le lieu de l'emploi.
-- Interdiction de publier des interviews de généraux.
-- Surveiller de près tout ce qui pourrait ressembler à une propagande pour la paix.
-- Interdiction de publier des cartes postales renfermant des scènes ou des légendes de nature à avoir une fâcheuse influence sur l'esprit de l'armée ou de la population.
La mort de la vérité entraina dans son naufrage celle de l'intelligence. Et jamais également, tout au long de ce conflit, la propagande ne fut aussi stupidement grossière. On s'étonne que tant de beaux esprits, de philosophes, d'hommes de lettres et de journalistes aient ainsi cédé aux sirènes de l'union sacrée et dévoyé leur sagesse et leur talent dans une immense entreprise de décervelage, de bourrage de crâne généralisé. Ils souscrivirent, presque sans réserve, aux sinistres travestissements des valeurs perverties , des valeurs fourvoyées, des idéaux trahis. Ils se firent les relais complaisants des langages asservis, des pièges d'une belliqueuse rhétorique, des trompeuses représentations et des faciles clichés qui attisèrent les haines et nourrirent de troubles ressentiments. Dans une presse aux ordres, on entretint le feu sacré d'hystéries chauvines, on accrédita les plus énormes bobards, on multiplia des caricatures abjectes, des gravures sordides ou vaguement graveleuses, des ribambelles d'images déversant la sirupeuse hagiographie de soldats héroïques attendus par des épouses énamourées et des enfants fiers de leur papa et prêts à le remplacer quand le devoir les appellerait. Les artistes à leur tour se joignirent avec un zèle de prosélytes à ce concert ambiant d'un patriotisme obligatoire. Sur les scènes de France, les Montéhus, les Botrel et tous les histrions de sous-préfectures entonnaient des refrains vengeurs qui clouaient au pilori la sauvagerie de l'ennemi, exaltaient les mérites de nos vaillants poilus et de Rosalie, leur chère baïonnette, embrochant joyeusement ces lourdauds d'Allemands. Les savants, eux-mêmes, furent mis à contribution, en de cocasses causeries, comme celle de l'ineffable docteur Bérillon expliquant que, par une monstrueuse déformation de son anatomie et autres aberrations de son organisme, le Boche évacuait d'énormes quantités d'excréments et des urines particulièrement fétides.
On ne saurait dire si le peuple goba vraiment de telles calembredaines. Les soldats, eux, savaient à quoi s'en tenir. Ils ne tardèrent pas à mesurer l'inanité de ce flot d'inepties. Et aux fadaises des folliculaires, aux gaudrioles patriotardes, aux hymnes martiaux des va-t-en guerre de salon, ils opposèrent d'autres refrains, le cruel souvenir d'une fatale Butte rouge
" où tous ceux qui montaient tombaient dans le ravin ", et les pathétiques couplets de la Chanson de Craonne dont les autorités militaires tentèrent de découvrir les auteurs. En vain.
 
( " Bleu Horizon " de Yoland Simon )
 
 
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Commentaires
T
Tu as raison, cousin... la méfiance est de mise.<br /> <br /> La désinformation à l'époque des multimédias, de l'information envahissante, tous azimuts et à tous propos, est un mal profond qui gangrène gravement les esprits et peut faire des ravages irréversibles... moyennement graves et rarement mortels lorsqu'ils concernent la réclame ou la Pub... autrement épouvantables lorsqu'il s'agit de la propagande de partis politiques ou encore pire d'Etats. Là, en l'occurrence, en 14/18, il s'agissait d'envoyer à la Boucherie des millions de Français et d'Allemands.<br /> <br /> Bonne journée quand même, mon cousin.
E
Bonjour, <br /> <br /> A cette époque la " réclame " qu'on ne qualifiait pas de " publicité " utilisait les mêmes moyens pour nous bourrer le crâne. . <br /> <br /> Méfions nous des moyens actuels utilisés pour nous désinformer, et que nous avalons innocemment sans nous en apercevoir <br /> <br /> Amitiés à tous <br /> <br /> Eric
T
Merci Nicooole... je n'ai pas lu ce " Prix Goncourt 2013 ".<br /> <br /> Ce sera, par conséquent, l'une de mes très prochaines lectures.<br /> <br /> Ci-dessous, Pierre Lemaitre parle de son livre :<br /> <br /> <br /> <br /> https://www.youtube.com/watch?v=GDFjbWPfu3M
N
Je conseille, si vous ne l'avez déjà lu, le roman décapant de Pierre Lemaitre <br /> <br /> " Au revoir la haut ", la guerre terminée , place aux affaires.
G
Je me permet d'ajouter à cela le témoignage qu'un de mes cousin a publier aujourd'hui sur Facebook :et qui m'a touché particulièrement : <br /> <br /> Il s'appelait Auguste Fleury.<br /> <br /> J'ignore sa date de naissance mais sans doute aux environs de 1895 puisque mon texte commence le 11 août 1916.<br /> <br /> Il est mort en 1959. Rongé par un cancer généralisé, ultime cadeau de la "der des der"...<br /> <br /> Ce brave type qui n'avait rien demandé à personne s'est retrouvé embarqué dans une boucherie qui ne le concernait pas comme des millions d'autres qui avaient eu la mauvaise idée d'être nés 20 ans plus tôt. Le poète a dit: la guerre ce sont des gens qui ne se connaissent pas mais qui se battent au nom de gens qui se connaissent mais ne se battent pas.<br /> <br /> Auguste était né au Havre. Mais il a été incorporé à Lambezellec dans le Finistère le 11/08/1916.<br /> <br /> S'en est suivi un nombre hallucinant de cantonnements, déplacements etc. Toujours des lieux de combat. De tuerie. D'horreur. De morts. De sang. De tripes. De boue. De rats. D'ordres. De copains morts. De peur.<br /> <br /> Je ne l'ai pas connu. Je sais juste que chaque nuit jusqu'à sa mort,chaque nuit il hurlait. Chaque nuit. Que chaque jour il avait des moments d'angoisse...<br /> <br /> Auguste a tout connu de cet enfer. Il a comme ses copains - et les infortunés types d'en face vécu un martyr.<br /> <br /> Il a eu le bas ventre gelé dans la boue au cours de l'hiver. A tel point que jusqu'à sa mort il avait des moments de faiblesse. Il ne ressentait plus rien et il lui arrivait souvent d'uriner dans son pantalon.<br /> <br /> Il a été gazé. Il ne lui restait plus qu'un poumon.<br /> <br /> Et comble du comble, le 14/10/18 à Roulers en Belgique, il a eu la moitié de la mâchoire inférieure emportée par un éclat d'obus.<br /> <br /> Il a été laissé pour mort. Puis miraculeusement secouru.<br /> <br /> La médecine a fait des bonds en avant extraordinaires à cette époque... Dame! Il y avait de quoi expérimenter!<br /> <br /> Un chirurgien magicien lui a reconstruit une mâchoire avec les débris d'os et de dents puis pas mal de métal. Pour reconstituer la joue, on lui a greffé sa propre fesse...<br /> <br /> Il était une gueule cassée.<br /> <br /> Une médaille et voilà...<br /> <br /> Il a été libéré de son service en Septembre 1919.<br /> <br /> Auguste s'est marié malgré tout. Puis il a recueilli une petite fille abandonnée. <br /> <br /> Un vrai type bien, quoi...<br /> <br /> Il se trouve que la petite fille en question s'appelait Yvonne Leroux et était ma Grand-mère.<br /> <br /> Auguste était mon arrière grand-père.<br /> <br /> Dans les tranchés, il a façonné un chalutier avec du cuivre de douilles d'obus.<br /> <br /> Puis pendant son hospitalisation il a écrit de sa belle écriture d'homme cultivé et délicat son cahier de chansons.<br /> <br /> Qu'il a illustré de dessins sublimes...<br /> <br /> Il aurait pu être dessinateur, peintre, poète ou que sais-je...<br /> <br /> La guerre a cassé ça aussi. Quand il a fini son cahier, il n'a plus jamais dessiné.<br /> <br /> Voilà.<br /> <br /> On est le 11 novembre. 18 millions d'Auguste ne sont pas revenus.<br /> <br /> Combien de millions ont laissé leurs rêves dans la boue.<br /> <br /> Merci Auguste.
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